MA TRADUCTION DE L'ARTICLE DE CARLA RIVEROS,
CONSACRÉ AU LIVRE DE SANAA ELAJI:
Sexualité et célibat au Maroc, Albouraq éditions, 2018, 424 p.
CARLA RIVEROS
Columnista en SudamericaHoy (SAH) y Directora en Análisis Político en América Latina
Sanaa
El Aji (1977) est une sociologue, journaliste et écrivaine marocaine. En
octobre 2016, elle soutient sa thèse de doctorat en sociologie (sciences po
Aix). Le résultat de la recherche qui lui a pris six ans vient d’être publié:
«la sexualité et le célibat au Maroc: les pratiques et la verbalisation». Le
lancement du livre a suscité l’intérêt d’un public diversifié, ce qui a été
corroboré dans l’une de ses récentes présentations dans un café culturel à
Casablanca (jardin du Ritz). La réunion a été convoquée par des jeunes qui ont
participé et discuté activement avec l’auteure.
L’investigation
de l’AJI approche les manières de penser, de vivre et de verbaliser la
sexualité dans ce cadre réglementaire restrictif que présente le pays musulman.
La sociologue analyse les représentations discursives et les pratiques sociales
ainsi que l’impact et l’incidence des transformations technologiques qui ont
permis de nouvelles pratiques dans ce contexte restreint pour la sexualité.
L’étude de Sanaa El Aji cherche à comprendre et aborder une réalité: la
sexualité prémaritale existe au Maroc, bien qu’elle fasse face à une triple
illégitimité —religieuse, juridique et sociale— en soulignant que
l’interdiction vise exclusivement les femmes. Cette asymétrie est fixée,
établie, acceptée et assumée publiquement. La femme n’est pas considérée dans sa
dimension de citoyenne et d’individu libre. Il faut ajouter, cependant, que la
femme a également contribué à perpétuer ce modèle de domination, en
intériorisant et en concédant que le mâle est dans son droit d’expérimenter et
de vivre la sexualité -dont elle est exclue- comme un moyen de réaffirmer sa
masculinité et sa virilité et aussi afin d’éviter de futures relations
extraconjugales une fois le mariage déclaré.
Il
faut noter que le sexe avant le mariage est encore une question taboue pour une
grande partie de la société marocaine et, bien sûr, pour les autorités surtout
qui sont réticentes à permettre l’accès à une éducation sexuelle qui forme des
citoyens libres et égaux pour la pleine sexualité, responsable et
satisfaisante. L’accès à l’éducation sexuelle est refusé afin de prévenir les
rapports sexuels prématurés, en ignorant que, précisément, la formation précoce
peut retarder l’initiation à l’activité sexuelle et, de plus, elle permettra
des éléments plus importants dans la prise de décisions par rapport à
l’apparition de la vie sexuelle et les méthodes de planification, de protection
et de prévention à utiliser.
Le
discours public et la censure sociale ne correspondent pas souvent aux
pratiques sociales. Le climat prohibitif et coercitif a stimulé la
dissimulation et l’hypocrisie sociale ainsi que la recherche récurrente des
palliatifs sexuels et des solutions extrêmes. Des rencontres sexuelles
programmées qui se superposent à la spontanéité affective et au désir jusqu’à
l’utilisation et la consommation clandestine de la pornographie et la
prostitution, dans le cas des mâles ou, à l’achat de virginités artificielles,
dans celui des femmes.
La
dignité et la féminité sont réduites à un hymen intact. Le corps féminin a été
séquestré par la société et la femme est obligée d’obéir aux exigences
sociales, c’est-à-dire, à démontrer sa chasteté, sa pureté, sa dignité et sa
valeur en tant que femme en préservant sa virginité ou, sinon, de subir une
punition, une exposition et une dérision sociale. Tout cela a conduit à
l’émergence d’un marché dédié à l’achat et à la vente de virginités
artificielles. La femme peut récupérer son honneur pour quelques heures,
quelques jours ou quelques semaines, selon le taux qu’elle peut et/ou est
disposée à payer.
D’où
cette contradiction constante et latente : il y a une double dimension dans
laquelle la science, le marché et les nouvelles technologies sont impliqués:
ils permettent de contourner et transgresser les normes religieuses et la
censure sociale aussi longtemps que les pratiques restent cachées et
clandestines, tout en permettant la survie de ce système de valeurs qui nie les
libertés individuelles. Ce qui précède suggère qu’aux exigences d’ouverture
politique –adressées aux secteurs les
plus conservateurs et les plus retardés du pays– on doit ajouter le changement social —la transformation culturelle de la société—
afin de favoriser l’émergence d’une société de citoyens libres et égaux pour
assumer et exercer aussi leur sexualité.
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